Comment la Commission européenne entend-elle réduire les retards de paiement ?

5 min
06/12/23
Retards de paiement : Que prévoit le futur règlement européen ?

Selon les chiffres de la Commission européenne, près de 18 milliards de factures sont émises chaque année au sein de l’UE, soit plus de 500 par seconde. Bon nombre d’entre elles bénéficient d’un report de paiement à une date ultérieure, en particulier lorsqu’il s’agit de transactions B2B. Cependant, en l’absence de règlement à la date d’échéance, les entreprises doivent gérer les retards de paiement et leurs effets néfastes sur l’activité.  

La Commission européenne avait déjà produit une directive en 2011, afin de lutter contre ces dérives. Faute d’une amélioration notable, elle envisage désormais de faire voter un règlement pour encadrer au mieux les délais de paiement des opérations commerciales.

Que contient la proposition de règlement présentée le 12 septembre 2023 ? Quels sont les objectifs et les mesures prévues ? Retrouvez notre point complet sur le sujet.

État des lieux des pratiques en matière de délais de paiement

La dernière directive européenne sur les délais de paiement date de 2011. Elle visait à protéger les entreprises contre les retards de paiement à répétition, qui nuisent au bon fonctionnement de leur activité.

Elle prévoyait notamment :
• un délai de paiement de 30 jours pour les opérations B2B ;
• la possibilité d’étendre ce délai à 60 jours, sous conditions ;
• l’application d’intérêts et d’une indemnisation fixe en cas de dépassement de la date d’échéance d’une facture.

Les limites de la directive de 2011

Après avoir dressé un bilan mitigé de la directive de 2011, la Commission européenne envisage de renforcer les règles en vigueur pour lutter plus efficacement contre les retards de paiement.

Et pour cause, le Groupe Altares indique que les entreprises françaises et européennes font face à un retard moyen respectif
de 12 et 13 jours, au 2e trimestre 2023. Si une entreprise sur 2 règle ses factures à temps, on note une forte augmentation des retards de plus de 30 jours. Cette dégradation impacterait surtout les petites entités.

La Commission, de son côté, constate qu’une faillite sur quatre est la conséquence directe des allongements des délais de paiement. Elle pointe du doigt le déséquilibre des forces commerciales et les pratiques de certains clients qui n’hésitent pas à imposer des conditions de paiement abusives à leurs fournisseurs.

L’effet domino des retards de paiement

La conjoncture économique explique en partie les retards des paiements. En période d’incertitudes, l’activité se ralentit et subit les répercussions de l’inflation et des taux d’intérêt élevés.

Les processus de facturation peuvent également être responsables d’une mauvaise gestion des règlements : erreur de destinataire, non-conformité de la facture avec la prestation réalisée ou encore absence de procédure de relance.  

Ces facteurs externes ou internes à l’entreprise entraînent des répercussions en cascade. Si un client n’honore pas sa facture, le fournisseur risque de manquer de liquidités au moment de payer ses propres achats.

C’est particulièrement vrai pour les TPE et PME qui peinent à maintenir une trésorerie positive. À défaut d’encaissements dans les temps, ces entreprises doivent avoir recours à des financements plus coûteux qui affectent leur compétitivité et leur capacité d’investissement. La Commission européenne entend donc trouver des solutions pour résoudre ces problèmes.

Objectifs du futur règlement relatif à la lutte contre les retards de paiement

Pour la Commission européenne, les retards de paiement ont un effet néfaste sur l’emploi et sur l’économie en général. Avec son futur règlement, elle souhaite instaurer un cadre légal qui favorise l’accélération des flux financiers et poursuit plusieurs objectifs :

Harmonisation des délais de paiement au sein de l’UE : cette mesure vise à gommer les inégalités des transactions commerciales et à éviter la négociation de clauses abusives.

Renforcement des droits des PME : premières victimes des retards de paiements, les TPE et PME se retrouvent parfois démunis pour exiger le règlement de leurs créances.

Réductions des coûts financiers liés au traitement des relances et des impayés : si les factures sont payées à échéance, les entreprises gagnent en productivité et financent leurs investissements en mobilisant leur trésorerie.

Digitalisation des process : le futur règlement fait partie d’un programme plus large de transition numérique qui incite les entreprises à automatiser et digitaliser leur gestion administrative pour être plus efficace. La généralisation de la facture électronique s’inscrit dans la même démarche.

Éducation financière des entrepreneurs : la Commission souhaite former les dirigeants des PME pour favoriser une meilleure connaissance de la législation.

Principales mesures de la proposition de la Commission européenne

Voici les principales nouveautés de la proposition de règlement sur les retards de paiement.

Création d’un règlement européen

Face à la portée limitée de la directive de 2011, la Commission européenne opte pour le vote d’un règlement qui a vocation à s’appliquer en l’état, à tous les membres de l’UE. Si certaines dispositions peuvent faire l’objet d’ajustements, d’autres mesures s’imposent aux législations nationales de façon stricte.

Ainsi, les entreprises, qui exercent une activité transfrontalière, seront soumises à une réglementation identique en matière de délais de paiement ou de pénalités de retard.

Délais de paiement réduits à l’échelle européenne

La Commission prévoit de fixer un délai de paiement maximal à 30 jours pour toutes les transactions commerciales, quel que soit le secteur d’activité concerné, et pour l’ensemble des acteurs économiques, publics ou privés.

Il ne sera plus possible de convenir contractuellement d’une échéance supérieure à 30 jours. Et l’article 9 identifie la liste des clauses abusives à déclarer nulles et non avenues.

Paiement systématique des intérêts de retard

Pour ne pas nuire à la relation commerciale ou tout simplement pour éviter de perdre un client, les entreprises n’appliquent pas toujours les pénalités de retard. Les débiteurs ont donc tendance à différer leur paiement, car ils ne sont pas redevables de frais supplémentaires. La Commission souhaite rendre le paiement des intérêts automatique et obligatoire et fixe l’indemnité forfaitaire à 50 €.

Mise en place d’une autorité nationale de surveillance

Les États membres devront également mettre en place une autorité chargée de veiller à la bonne exécution de ces règles.

Elle sera dotée d’un pouvoir de contrôle et de la capacité d’instruire des dossiers et de sanctionner les contrevenants.

La proposition de règlement de la Commission européenne doit être soumise aux discussions et au vote du Parlement et du Conseil européen. Une fois adoptée, les États membres disposeront d’une période d’un an pour se conformer aux différentes mesures.

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